Questions indiscrètes aux personnes trans*

Posté le 24 juillet 2018 · 7 minutes de lecture

Depuis mes débuts sur Mastodon, un des sujets récurrents est l’identité de genre aux travers d’instances qui sont dédiées aux personnes LBGTQIA+ telle que la défunte Witches.town qui était, il y a quelques mois, une des plus grosses instances de Mastodon.

Cela traitait de la visibilité des personnes trans* sur Internet, du militantisme et de l’acceptation de nos identités respectives. Honnêtement, ces sujets restent sur Internet. Ceux-ci ne sont débattus en dehors, parce que les personnes non-sensibilisées, non-alliées ou tout simplement non concernées ne s’y intéressent pas. Il n’empêche une chose: le genre est un fait. Le genre est un ressenti. Tout comme la binarité et la normativité sont des faits sociaux acquis qu’il sera très compliqué de déconstruire afin de mieux éduquer.

Mais nous existons. Nous existons dans la vie réelle, au délà de nos claviers, de nos réseaux, de nos associations. Tu peux me lire et être agenre, une femme à pénis, un homme à vulve ou une galaxie, tu existes. Tu peux même être cisgenre. Pour faire simple: tu peux être ce que tu veux, tu restes une personne de la famille des hominidés et d’espèce Homo Sapiens. Étymologiquement, cela veut dire “Homme savant”.

Le terme « savant » faisant rapport à l’intelligence mais celle-ci ne veut pas dire omniscience. On ne peut pas tout savoir, il y a toujours de l’ignorance. L’ignorance est également notre meilleure amie, elle nous berce dans notre zone de confort. Pire que l’ignorance, il y a la dissonance cognitive. La dissonance cognitive, c’est porter des œillères, rester dans sa zone de confort en faisant mine que l’inconnu n’existe pas. Plus précisément, c’est ignorer les faits afin de rester dans son état d’esprit, refuser de voir en dehors de notre zone de confort.

Un des sujets qui revient régulièrement, comme je l’ai dit plus haut, c’est l’identité de genre.

Mesdames, messieurs cisgenres, je vais peut-être vous apprendre quelque chose: les personnes transgenres existent. J’existe. Je travaille, je suis bien installée dans ma vie et surtout, surtout, je fais en sorte d’être bien dans ma tête.

Votre ignorance, votre dissonance cognitive sont des dangers pour nous. Dangers physiques, psychologiques et sociaux. Je suis tout à fait outée, les personnes avec qui je travaille, les personnes avec qui je m’entends savent toutes que je suis une femme.

Une question me taraude l’esprit depuis plusieurs semaines. Diriez-vous certaine chose à une femme comme « Et quoi, tu vas te faire un boobs plant ? » (traduisez: tu vas te faire implémenter une poitrine ?) ou « Tu as quoi entre les jambes ? Un pénis ou un vagin ? ».

Meh

La réponse est totalement évidente: vous ne le diriez jamais. Une femme peut avoir une petite poitrine, elle peut avoir des poils, certaines ont même une barbe ou une moustache. Elles peuvent avoir des monosourcils ou tout simplement être plus masculines. Est-ce pour autant que la femme devant vous est trans* ou butch ? Oseriez-vous lui poser la question « Et quoi meuf, t’es lesbienne ? » ?

Une femme ne pourrait-elle pas avoir une part de masculinité ? Se lever, botter des culs à coup d’ABL et être badass dans tout ce qu’elle réalise ? Un homme ne pourrait-il pas avoir une part de féminité ? Se lever, prendre soin de sa peau, s’habiller de manière élégante, être gentil ? Sans une seule fois douter de ses préférences sexuelles ou de son identité de genre ?

Alors, pourquoi poser ces questions aux personnes transgenres mise à part dans l’objectif de satisfaire votre curiosité malsaine, votre besoin pervers de savoir ce qu’une personne a entre les jambes ? Pourquoi demander à une personne qui s’assume parfaitement, qui se sent bien à un moment donné si elle va faire l’opération de réattribution sexuelle ? Tout ce que vous engendrez c’est de la dysphorie, de la haine pour nos propres corps et de la haine envers les personnes comme vous, qui posez des questions indiscrètes, blessantes et violentes.

Selon une étude belge de 2017, il existe environ 3% de personnes transgenres dans la population. C’est 3 personnes sur 100. Par exemple, les derniers métros bruxellois ont très exactement 196 places assises avec une probabilité qu’il y ait 5 personne transgenres dans ce métro bondé. Et vous continuez votre petit jeu malsain en demandant ce qu’une personne à entre les jambes. Cela veut-dire qu’il y a 195 autres personnes que vous, allez-vous demander à cette meuf canon si elle a un pénis entre les jambes ? Ce chiffre tend même à augmenter avec le changement de législation belge datant du 1er janvier 2018.

Malgré vos œillères, il faut absolument que vous réalisiez que vous mettez dans des cases, que vous rendez malheureux et malheureuses certaines personnes qui ne demandent qu’une chose: être comme ils et elles se sentent.

Être transgenre est difficile. S’assumer au quotidien est un enfer. Porter les regards d’autrui en allant chercher son pain au chocolat un matin d’été en jupe, c’est difficile. L’épilation définitive du visage ? Bon courage. Prendre la lourde décision d’envoyer la lettre au Ministre de la Justice pour changer de prénom ? Tout autant difficile. Le premier rendez-vous avec un·e endocrinologue ou un·e gynécologue ? C’est difficile. Dire à nos collaborateurs et collaboratrices que nous, ce n’est pas entrez votre morinom ici mais entrez le prénom que vous avez choisi ici ? Terrifiant.

Une personne transgenre est toujours badass. Ce que vous appelez l’enfer c’est notre chez nous. Nous n’hésiterons pas à botter des culs pour en faire un paradis.

Bitch!

Lexique:

  • LGBTQIA+: Acronyme pour « Lesbienne, Gay, Bisexuel·le, Transgenre, Queer, Intersexes, Alliés ».
  • Cisgenre: personne qui s’identifie à son genre assigné à sa naissance.
  • Trans*: personnes faisant partie du spectre transgenre: agenres, transgenres, xénogenres, etc.
  • Butch: femme qui a toutes les apparences d’un homme que cela soit au niveau physique, vestimentaire ou attitude.

Source: