Vivre avec une personne handicapée

Posté le 9 août 2019 · 5 minutes de lecture

Aujourd’hui, ça fait un peu plus d’un an et demi que je suis aidante à temps plein. Déjà, on va poser certaines bases pour mettre tout le monde d’accord:

  • Chacun·e vit son handicap à sa façon, sa manière de le percevoir.
  • Il existe des handicaps invisibles, sans fauteuil roulant, canne ou déambulateur.
  • Une personne perçue comme valide peut avoir un handicap.

Comme je l’ai expliqué, ça fait plus d’un an et demi que je vis avec maon chéri. Enfin, plutôt un réceptacle qui a trois entités vivantes: Charly, Winston et Keira. Il l’explique d’ailleurs très bien sur son compte Instagram, Winston c’est sa sclérose en plaques ou Keira est sa dysautonomie. (Petit aparté: allez voir son compte Instagram, ça promet du lourd 😉).

Au-delà de ça, il y a ce qu’on appelle la théorie des cuillères. Toujours en gros: on se réveille, on a un nombre de cuillères disponible pour la journée. Chacun·e a un nombre de cuillères qui lui est propre. Chaque action effectuée dans la journée à un prix: des cuillères. À la fin de la journée, une personne handicapée peut avoir un nombre de cuillères positif et c’est bon pour le lendemain. Sinon le nombre négatif sera répercuté le lendemain.

C’est là qu’entre en jeu les aidant·e·s. Notre rôle ? Faire économiser des cuillères. Tout le temps, partout, de n’importe quelle manière. Une seule contrainte: laisser l’indépendance de la personne avec qui nous vivons. On est pas là pour diriger sa vie, on est là pour l’aider à accomplir la sienne de la manière la plus simple et positive possible. En dehors de mon travail de développeuse, je suis aussi aidant·e. Ça veut dire que j’évite au maximum le gaspillage de cuillères de maon compagnon·ne. Pouvoir être là pour l’aider dès qu’iel en a besoin, être présent·e et surtout écouter. On écoute beaucoup en tant qu’aidant·e. On ne juge pas. En tant qu’aidante valide et en bonne santé, mon rôle n’est pas de comprendre mais de soutenir. Je ne comprendrai jamais la douleur que donne une poussée de la SEP ou un sale état dû à la dysautonomie. Et ce pour n’importe quelle autre maladie: syndrome d’Ehlers Danlos, maladie de Charcot, etc… Vraiment, la liste est longue.

En tant qu’aidant·e, on vit avec la personne concernée. On voit ce qu’iel vit, comment iel le vit, comment iel le gère. On est les personnes les mieux placées pour percevoir les difficultés des personnes qu’on accompagne au quotidien: on ne juge pas. Tu n’es pas bien ? D’accord. Tu as du mal à parler ? Ok, on trouve un autre moyen de communication. Tu ne supportes pas les contacts physiques ? D’accord. Et c’est tout !.

Après ma journée de travail, mon autre travail consiste à faire économiser des cuillères et donner tous les moyens à maon chéri d’atteindre ses objectifs sans que les obligations de la vie quotidienne ne viennent le limiter. Faire à manger, la vaisselle, les lessives, etc. Pour ma part, j’avoue accepter totalement cette gestion, je le laisse étudier autant qu’iel le souhaite. Tous. Les. Jours. Alors oui, faut pas se voiler la face: on a aussi des moments très down où on n’a pas envie de faire à manger, faire le ménage, etc. Et bien tant pis, on reporte ça. On ne demande pas à l’autre personne de faire notre taf parce qu’on a la flemme ou qu’on est pas au top. Même si, concrètement, ça peut arriver…

C’est læ soulager des maux qu’iel peut avoir. Parfois, on donne des coups de pelle aux personnes qui jugent, qui regardent étrangement. Qui donnent des conseils. Conseil d’aidante à une personne qui ne vit pas avec une personne handicapée: donner des conseils ne sert à rien, abstiens toi. Tu crois vraiment que t’es qualifié·e pour en donner ? Rares sont les personnes du corps médical se permettant d’en donner… encore moins les médecins spécialisés.

Just, non.

Sincèrement, au début j’avais peur. Parce que je vivais encore chez ma mère quand on est venus habiter à Bruxelles. Apprendre à être indépendante est déjà très compliqué. Apprendre le rôle d’aidant ne s’improsive pas. On regarde beaucoup de vidéos autour des handicaps, des besoins que d’autres ont. On s’adapte, on émet des idées. Mais surtout on discute. Beaucoup.

Mais quand on aime une personne… on s’en fiche. On entre un cheat code cuillères illimitées sur soi-même et on fait ce qui doit être fait. Petite astuce, voici le code Konami: haut, haut, bas, bas, gauche, droite, gauche, droite, B, A. Abusez en.

Surtout: écoutez. C’est le plus important.